Jobie Weetaluktuk est un auteur, monteur, communicateur et cinéaste originaire d’Inukjuak, qui vit aujourd’hui à Montréal. Urban Inuk (produit par Igloolik Isuma, en 2005) suit 3 Inuit dans leurs parcours spirituel et matériel alors qu’ils affrontent la jungle urbaine ayant abandonné leurs communautés nordiques pour la vie à Montréal. Le film a été diffusé sur les ondes de APTN et a voyagé dans plus de 20 festivals et manifestations artistiques au Canada, aux USA et en Europe. Le film s’est mérité le Grand prix Rigoberta Menchu à Présence autochtone 2006 et a circulé dans le maisons de la culture de Montréal avec la sélection des « coups de cœur » du RIDM (Rencontres internationales du documentaire de Montréal)
Filmographie
Umiaq Skin Boat (Productions Catbird), 2008, 31 m, documentaire
(Sélection officielle Hot Docs 2008)
Urban Inuk (Igloolik Isuma, producteur), 2005, 46 minutes, documentaire
(Grand Prix Rigoberta Menchu, Présence autochtone 2006, Montréal)
Entrevue avec Jobie Weetaluktuk
« Je suis né dans un campement traditionnel, mais j’ai grandi à Inukjuak.
Pour Qallunajatut (Urban Inuk), j’ai voulu faire un film sur les Inuit dans la ville. Il y a eu un changement progressif ; nous étions des nomades dans des campements : aujourd’hui, nous vivons dans des villages permanents et, pour plusieurs, nous vivons maintenant à la grande ville. Le film suit trois personnages. Le premier, Jayson, allait bien mais, au moment du tournage, il venait de vivre une rupture avec sa blonde et s’est alors retrouvé dans la rue. Le deuxième, feu Charlie Adams, ne voulait pas au départ venir vivre à Montréal. Il a du s’exiler pour raison médicale et vivre en ville a été pour lui une expérience extrêmement difficile.
Pitsulata était, elle, dans la cité depuis un bon moment et elle avait trouvé sa voie : tout allait bien de son côté. Elle fait du travail social et aide les autres avec les problèmes qu’ils doivent affronter.
Et le fond du problème est la perte d’identité. Si vous n’avez pas un fort sentiment de qui vous êtes, vous allez vous sentir complètement perdu dans la ville. Et même dans le Nord, plusieurs personnes en perte de repère ont de la difficulté avec le concept d’identité inuit. L’important n’est donc pas où vous vous trouvez : ainsi moi qui vit à Montréal, je n’ai aucune difficulté à m’affirmer comme Inuit, d’autant mieux que je maîtrise la langue (quoique je pense qu’on peut être Inuit même en ne connaissant pas la langue).
L’idée de mon autre film, Umiaq Skin Boat, est venue quand j’ai su qu’un groupe de personnes de ma communauté avaient décidé de construire une embarcation traditionnelle en peau de mammifère marin : un umiaq. Cela m’est apparu intéressant car il y avait au moins cinquante ans qu’on avait fabriqué un umiaq dans cette région. Je connais beaucoup d’histoires qui tournent atour de l’umiaq.
Mon prochain film parlera des écoles résidentielles. Ce sera un film à propos du changement et qui explorera l’idée de transition. Je viens d’un camp traditionnel et pour aller à l’école, j’ai du aller à Inukjuak.
À Ottawa, j’ai étudié la radio et le journalisme : ce fut là ma première profession. Plus tard, j’ai passé au média écrit ; j’ai publié un magazine. Et puis, j’ai travaillé à la télévision pendant plusieurs années pour IBC (Inuit Broadcasting Corporaton) à Iqaluit. Et c’est de là que j’ai eu l’opportunité de faire ce que j’avais envie de faire depuis plusieurs années : tourner un film. C’est grâce à la maison de production Igloolik Isuma que j’ai pu mener à terme le projet d’Urban Inuk.
La radio, la télévision, la vidéo sont des modes d’expression qui conviennent aux Inuit qui sont des personnes de tradition orale. Ce sont d’excellents outils pour nous aider à bien traverser la période de transition que nous vivons aujourd’hui, tout en nous incitant à garder notre langue et notre culture. Je n’écarte pas l’idée de faire de la fiction un jour, mais je n’en suis pas encore là. »
Extraits du film Umiaq Skin Boat de Jobie Weetaluktuk
Une embarcation moteur avance dans l’eau. La caméra est dans le bateau et on voit de dos trois passagers avec des costumes nordiques. Puis on voit la côte : un paysage typique du grand nord l’été des rochers sans arbres. Enfin, on voit des constructions modernes, un village de maisons préfabriquées. La voix off, en inuktituk, nous apprend que « un groupe d’aînés a décidé de la construction d’un Umiaq, chose qui ne s’était pas vu depuis plus de cinquante ans.
On voit une foreuse ne action puis un couteau à bois. Enfin dans un plan plus large on voit la structure de la coque sur laquelle des Inuit s’affairent. « Le groupe Pukkik est à fabriquer un Umiaq, une embarcation traditionnelle que nos ancêtres utilisaient pour la chasse aux animaux marins en pleine mer ».
La caméra nous montre la charpente de la coque puis on voit une photo ancienne d’un groupe de chasseurs inuit avec leurs harpons.