Née à Wendake (Québec) en 1952, Christine Sioui Wawanoloath est Wendat (Huronne) par son père et Abénakise par sa mère. À la mort de son père, qui survient quelques semaines après sa naissance, sa mère retourne avec ses trois enfants à Odanak, village abénaki. Après avoir étudié la photographie, l’art et l’histoire à Montréal et au collège Manitou (1973), elle travaille comme photographe d’imprimerie, technicienne en chambre noire, graphiste et journaliste pour des publications autochtones à Ottawa, Frobisher Bay et Val-d’Or. En 1985, elle devient directrice des programmes pour le Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or. Coordonnatrice du dossier de la non-violence pour Femmes autochtones du Québec de 1992 à 2002, elle a conçu et réalisé des projets de sensibilisation et de partage de connaissances destinés aux membres des communautés autochtones. Aujourd’hui agente en communication pour Terres en vues, elle est aussi peintre et illustratrice. Elle est auteure de La légende des oiseaux qui ne savaient plus voler (Femmes autochtones du Québec, 1995), Toloti (Présence autochtones, 2003), Natanis (Le Loup de Gouttière, 2005) et de trois pièces de théâtre, dont deux ont été produites (Femme et esprit et Femme, homme et esprits).
(Voir Maurizio Gatti, Littérature amérindienne du Québec : écrits de langue française, Montréal, Hurtubise HMH, 2004, p. 236-237)
Pour se procurer l’ouvrage : Renaud-Bray · Librairie du Québec à Paris
Pictogrammes du 16ième ! (new)
Parc Nalwiwi, Québec : Une étonnante découverte a été faite le 21 juin dernier par un groupe d’enfants près de Chôls, un village winooski situé près de la frontière du Vermont. Les enfants, qui jouaient à une centaine de mètres de leur village, ont découvert une petite caverne, qu’ils ont naturellement explorée. Ils allaient retourner chez eux, quand un petit, en s’accrochant dans une pierre, la retourna et aperçut le coin d’un morceau de cuir. En dégageant la terre sablonneuse, ils découvrirent une quinzaine de peaux animales soigneusement roulées ensemble. Rapportées au village, elles furent examinées par le grand-père de l’un des enfants, Charles Paslid. On put ainsi constater qu’elles étaient couvertes de pictogrammes. Remplis de curiosité, les résidents de Chôls ont immédiatement décidé d’apporter ces peaux à madame Alice Mantawas, personnalité très connue du monde des communications. Mme Mantawas a effectué des études très poussées des anciennes cultures de nombreuses Premières Nations de l’Amérique du Nord-est et de leurs anciens pictogrammes.
Rejointe dans sa maison du parc Nalwiwi, Mme Mantawas a déclaré que les peaux étaient authentiques, et qu’elles dataient du début du seizième siècle. « Les pictogrammes ont été tracés par un individu très conscient de l’importance des événements qui prenaient place à cette époque, a précisé Mme Mantawas, une sorte de reporter du seizième, quoi ! J’ai interprété le document et je vous le donne en primeur pour que vous puissiez le publier sur votre Site Internet. » Mme Mantawas a continué : « Ces peaux, bien que fragiles, sont très bien conservées. L’auteur a probablement utilisé une encre faite de jus de bleuets. Il a ensuite enduit ces peaux de chevreuil, tannées avec la méthode de l’époque, avec une huile naturelle, probablement de maïs, ce qui, avec l’ambiance bénéfique de la petite caverne a contribué à préserver ces précieuses peaux jusqu’à nos jours. »
Quand on lui a demandé qui était l’auteur de ces écrits, Mme Mantawas a répondu : « Je ne peux que spéculer à ce sujet, elles n’étaient pas signées, bien sûr, mais il s’agit d’un seul auteur, le style étant uniforme d’une peau à l’autre. Cependant, d’après les pictogrammes employés dans ce document, il s’agirait d’un homme qui n’habitait pas la région. Je crois qu’il venait de plus loin à l’Est et que, se trouvant dans la région au moment de l’achèvement de son œuvre, il aurait tout simplement caché celles-ci dans un endroit qu’il croyait sûr (avec raison). Pourquoi ? Je n’en sais rien. Il serait retourné là d’où il venait, ou aurait tout simplement continué son chemin sans se soucier outre mesure de l’avenir de son document. Sans doute savait-il que tôt ou tard on le trouverait. »
Voici donc le contenu de ce document historique interprété par Mme Mantawas :
« Nous voici vers la fin de l’automne. J’écris de mémoire les événements de cet été qui m’ont grandement frappé par leur singularité. Je me trouvais en visite dans le campement de mon beau-frère, quand on vint nous annoncer avec gesticulations et cris, l’arrivée d’étrangers forts étonnants sur les rives du fleuve. En courant avec les autres, j’atteignis l’endroit indiqué et je vis à ma grande surprise un groupe de petits hommes bizarres, le visage couvert de poils, vêtus de la tête aux pieds d’habits sombres et sales par une chaleur intense. Ils souriaient cependant et semblaient heureux de nous rencontrer. Leur énorme embarcation flottait derrière eux au milieu du fleuve telle une île. Leur langage nous était complètement inconnu, mais à force de mimiques nous comprîmes qu’ils avaient grande faim. Nous les invitâmes à partager notre repas au camp. Là, ils s’assirent avec nous autour du feu et firent tous en même temps d’étranges signes avec leurs mains, qu’ils portèrent au front, aux épaules et au ventre, les yeux tournés vers le ciel, avant d’entamer vigoureusement le repas. Après s’être rassasiés de viande, de courges et de maïs, ils sourirent de plus belle en regardant autour d’eux, avec un nouvel appétit, les femmes du camp qui vaquaient paisiblement à leurs besognes. Mes compagnons et moi sourîmes avec sympathie, non sans nous moquer un peu de ces pauvres hommes qui n’avaient pas eu le bon sens de faire le voyage avec leurs compagnes.
De bonne heure le lendemain, les petits hommes travaillaient hardiment devant le fleuve à couper et à assembler des morceaux de bois. Mes compagnons et moi les regardâmes tranquillement sans les déranger. Ils finirent par monter une forme rectangulaire sur laquelle ils mirent un morceau d’étoffe carrée, divers ornements et un objet composé d’une pièce horizontale et d’une pièce verticale, les quatre directions! Nous fûmes très heureux d’apprendre qu’ils nous étaient apparentés par ce symbole que nous connaissions depuis toujours. Des frères perdus, voilà ce qu’ils étaient. Nous devions les secourir avec toutes nos ressources. Nous nous approchâmes pour les serrer dans nos bras, mais ils nous repoussèrent rudement en grognant. Nous comprimes qu’ils n’étaient pas habitués à des manifestations d’affection fraternelle et nous reculâmes tout attristés.
Lorsqu’ils eurent complété leur travaux, ils se mirent tous à genoux, à l’exception de leur prêtre qui, vêtu de ses habits de cérémonie, se mit à parler très vite dans un langage encore plus différent de celui que nous avions entendu la veille. Ce devait être le langage secret de leurs guides spirituels. Il gesticulait de tous côtés en récitant ses incantations. Nous, restés debout, nous recueillîmes silencieusement avec eux, sachant bien qu’ils faisaient là une cérémonie pour remercier le fleuve de les avoir portés jusqu’à nous ; par la même occasion, ils nous remerciaient de les avoir hébergés et nourris. Vers la fin de cette cérémonie spirituelle, le prêtre donna à chacun des petits hommes un petit morceau de nourriture blanc comme neige. Il ne nous en offrit pas cependant, c’était là assez impoli, mais après tout, peut-être fallait-il être initié.
Durant les jours qui suivirent, les frères étrangers s’occupèrent à remplir de grands contenants de bois avec de l’eau de source et à charger sur leur embarcation le maïs, les fruits et la viande séchés que nous leur échangions contre des couteaux, des contenants de métal et différent objets de décoration corporelle. Cependant, ils semblaient apprécier davantage les peaux d’animaux que nous leurs apportions ; ils étaient assez distants autrement, quand ils n’échangeaient rien ou n’avaient besoin de rien.
Seul leur guide spirituel semblait prendre un grand plaisir à nous visiter. Bien qu’on le sentit très mal à l’aise, nous prenions toujours un malin plaisir à le voir prendre une couleur écarlate à la vue des poitrines dénudées des femmes. Malgré cela, il se promenait dans le camp toujours souriant, en s’arrêtant surtout aux mères qui transportaient de jeunes enfants avec elles. À ce moment, il était doublement content car il se mettait à dire ses incantations à voix basse en langage secret, et à verser de l’eau sur la tête des bébés. Les parents s’amusaient fort de ces gestes innocents qui semblaient tant faire plaisir à ce vieil homme, dont les cheveux commençaient à blanchir. Il essaya de faire sa petite magie sur de très vieilles personnes, mais elles refusaient toute tentative de sa part. Elles étaient visiblement ennuyées par cet individu et se gardaient bien de l’approcher.
Un matin, les étrangers nous firent comprendre par signes qu’ils repartaient sur le fleuve en direction ouest. Tout le monde se rassembla pour leur dire adieu, mais ils allaient sans doute revenir car leur prêtre était resté avec nous. Quant à moi, je continuai mes voyages tout en dessinant ces événements, que je raconte aux gens que je croise sur mon chemin pour les divertir.
(NB : Les noms des personnages, du village et du parc sont fictifs… tout comme l’histoire !)
Nalwiwi : Partout
Chôls : Criquet
Winooski : Oignon sauvage et nom d’une petite nation wabanakise qui habitait jadis près de la rivière aux oignons.
Paslid : Basile prononcé à l’abénakise
Mantawas : Une personne qui réfléchit constamment
Texte en caractères gras lu par Christine Sioui Wawanoloath