Julian Mahikan, de la nation atikamekw, est né à Obedjiwan (Mauricie) en 1975. Il y grandit jusqu’à l’âge de 12 ans, puis va poursuivre ses études dans la communauté innu de Mashteuiatsh (Lac-Saint-Jean). Sa formation en sciences pures, en médecine, en biologie l’amènent à voyager au Québec. Il s’établit ensuite à Toronto où il entreprend des cours en cinéma et en marketing pour éditeurs. Il travaille au ImagiNative et au Toronto Film Festival, en plus d’être successivement assistant à la production, éditeur et caméraman pour Migizee-Kwei Production et The Youth of the Nation, reporter pour The Nation, assistant-secrétaire au ministère de l’Éducation du Canada, secrétaire médical, médiateur et moniteur des activités jeunesse pour Santé Canada, acteur (voir www.nycasting.com). Il se lance en affaires en fondant sa propre maison d’édition et publie en 2001 son premier roman : Le Mutilateur (Mahikan Production). La promotion de son activité d’écrivain, de scénariste et de peintre l’amène à New York où il publie en anglais son deuxième roman CRYOS (2006, voir www.xlibris.com). Il est l’un des rares auteurs amérindiens du Québec dont la thématique ne porte pas uniquement sur les Amérindiens.
(Voir Maurizio Gatti, Littérature amérindienne du Québec : écrits de langue française, Montréal, Hurtubise HMH, 2004, p. 222-223)
Pour se procurer l’ouvrage : Renaud-Bray · Librairie du Québec à Paris
Le Grand Marnier (extrait inédit de la version française de CRYOS)
— « L’événement qui va se produire, M. Graham, va attirer l’attention du public, lors de la sortie de votre livre… »
— « Vas-y! Dis-lui! », enchaîna l’autre représentant.
— « Nous engagerons des acteurs pour venir tirer des balles à blanc », reprit le premier.
— « Vous êtes complètement fous? interrompit l’écrivain. En aucun cas je ne veux être associé à un scandale! »
— « Ça vous vaudra une première page exclusive, dit le premier requin. Votre sortie de livre va être sensationnelle! »
— « Que cela reste entre nous, jusqu’à notre tombe », déclara à voix basse le deuxième requin.
— « C’est vraiment hors de propos! Je ne peux pas faire ça! » s’indigna Ramsay Graham.
— « Il n’y a rien de meilleur qu’une première page d’un journal à sensation connu et sérieux comme le National Inquirer. »
Le représentant de la maison d’édition prit une bouffée de cigarette et, en l’extirpant de sa bouche, fit une allée de fumée en forme de zéros. Il inhala une plus grosse bouffée de cette fumée qui lui raccourcit la vie de quelques minutes.
— « Cela va vous rapporter beaucoup de zéros dans votre chèque de paye, un bonus autrement dit. »
La fumée se dissipa dans les airs.
— « Je ne peux pas faire quelque chose comme ça. C’est complètement fou comme plan de promotion. »
— « Essayez d’imaginer pendant une seconde que cela se passe ainsi. On s’occupe de tout. On va tout régler. On engagera de bons acteurs. Ils ne sauront pas qui vous êtes. Tout sera tenu secret. »
— « Je ne suis absolument pas d’accord avec cette idée! répéta Ramsay Graham en hochant vigoureusement la tête en guise de négation. Qu’est-ce que t’en dis Andy? »
— « Difficile à dire en ce moment, hésita son agent. C’est vrai que c’est un gros coup de publicité… Mais à quel prix! Ça peut ruiner ta réputation dès le départ. Les langues de vipères seront à l’affût de tes moindres agissements après ça, et tu pourrais subir les pires calvaires, si ça tourne au vinaigre. Le procès qui peut s’ensuivre te priverait de ton succès. Es-tu prêt à en subir les conséquences? Et pour ça… »
— « Il faut toujours voir plus loin que son nombril, messieurs, si l’on veut faire démarrer quelque chose de grand, interrompit l’un des représentants. Pourquoi pas ? »
Texte lu par Julian Mahikan