Arthur Lamothe nous a quittés. Dans la tristesse qui nous habite, comme des rayons de soleil qui pointeraient sous l’averse, de fantastiques souvenirs se bousculent.
De Montaigne qui était son maître à penser, il avait gardé l’optimisme pondéré de lucidité, le goût de dire sans artifices, le sens de l’amitié, la fidélité aux autres mais surtout à soi-même. C’est pourtant à d’Artagnan, un autre de ses compatriotes de Gascogne, que ceux qui l’ont connu aimaient à le comparer.
Fier artisan du cinéma, il savait que son art de documentariste était de dire la vérité, toute la vérité, surtout celle qui dérange. Contre vents et marées, avec une foi inébranlable dans sa capacité de convaincre, il déployait une énergie peu commune à réaliser des projets auxquels personne ne voulait croire.
Quand il croisa sur son chemin les derniers des nomades, il reconnut tout de suite une parenté avec ces voyageurs qui transbahutaient leurs rêves millénaires sur des territoires infinis. On dit que la mémoire est une faculté qui oublie. Armé de sa caméra, Arthur Lamothe, sourire aux lèvres, avait décidé de faire mentir l’adage et de transmettre aux futures générations la parole des grands lettrés de la culture orale innue.
Il nous laisse un héritage formidable lui qui savait que le Québec ne pouvait gagner sa liberté que dans une connexion avec la pensée de ceux et celles qui ont les premiers arpenté, nommé, chéri cette terre des hommes, le Nitassinan, et y avaient trouvé un espace pour bâtir une société solidaire et égalitaire.
En filmant les artistes contemporains, il ne dérogea pas à son chemin comme beaucoup le crurent à ce moment. Arthur Lamothe a toujours su que seuls les visionnaires audacieux pouvaient, avec la lucidité des songes, éclairer le sentier qui mène au territoire de l’homme.
Le soutien inébranlable qu’il apporta au festival Présence autochtone de Montréal depuis sa fondation en 1990 est en continuité directe avec cette prémisse que les artistes peuvent véritablement être le ferment du progrès et du nécessaire dialogue des cultures. Le poste qu’il occupa jusqu’à une date récente au sein du conseil d’administration de Terres en vues, malgré les difficultés inhérentes à une santé chancelante, fut son ultime engagement citoyen.
Combat gagné Arthur, tu ne seras pas oublié.
André Dudemaine